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avait aboli les droits féodaux et les privilèges seigneuriaux, consacré les droits du citoyen, proclamé l’égalité devant l’impôt, la gratuité de la justice, dans un immense élan de générosité, une ivresse d’émulation, dont la noblesse avait donné l’exemple.

Une lecture publique de cette lettre à l’hôtel de ville de Caen, portes et fenêtres ouvertes, provoqua les transports de la foule. C’étaient des embrassements, des larmes de joie. Des députés apportaient de Paris de nouveaux détails. L’inégalité, partout traquée, n’était plus !… Un Te Deum, une revue, des illuminations, fêtèrent le lendemain l’événement sans pareil.

Charlotte partageait l’enthousiasme de Gustave Doulcet. Oh ! elle n’ignorait pas que la noblesse, cette nuit-là, avait obéi à la prudence autant qu’à la justice. Un peu partout, les paysans recherchaient dans les châteaux les recueils d’archives, de vieux titres féodaux, et brûlaient ces chartriers. Parfois même, ils allaient plus loin. Chez le gouverneur de Normandie, dans le vestibule du château d’Harcourt, n’avaient-ils pas abattu une lourde statue de Louis XIV ? Les privilégiés craignaient une nouvelle Jacquerie.