Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/10

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horreur sans nom. Et il lui confie qu’il est hanté, lui aussi, par le besoin de délier les causes du conflit, de découvrir le jeu des ressorts secrets qui ont préparé, provoqué l’explosion. Sa consolation serait de vivre assez pour étaler au jour le plan, le mécanisme de l’épouvantable engin, pour crier « casse-cou ! » à ceux qui nous suivront sur la terre.

Rentrée à Paris, Mme Ciboure confie à son journal, au début de 1915 : « Il faut bien que j’arrive à m’avouer ici mon tourment secret. Depuis des mois, je recule. Aujourd’hui, mon mari avait amené un capitaine aviateur qui prit part à un raid aérien sur Ludwigshafen et qui conta ses impressions. Je regardais mon fils. Il écoutait, tendu, vibrant, avide, heureux. Devant moi s’évoquaient les victimes possibles, la cruauté du geste qui déclenche la mort. Lui, ne voyait que l’exploit et n’admirait que le héros. Lui et moi, nous ne pensons pas à l’unisson sur la guerre. À Andernos, dans nos longs tête-à-tête, dans la langueur de sa convalescence, je pouvais encore me le dissimuler. J’étais simplement effleurée du soupçon que, dans sa délicate prévenance, son joli souci d’élégance morale, il exagérait sa lassitude pour se taire, pour m’épargner. Mais depuis qu’il se mêle à notre vie, en