Elle a bien cru qu’elle n’aurait plus le courage d’écrire. Tout, dans la guerre, atteint et ruine sa foi dans l’avenir meilleur, dans le progrès, la lente conquête du bonheur. Pour elle, c’est une affreuse faillite.
Mais il lui est apparu qu’une existence privilégiée comme la sienne pouvait encore servir son idéal. Le but a resplendi devant elle, dominant, lumineux, comme un sommet : puisque l’immense catastrophe est déchaînée, il faut en démêler les causes afin d’en éviter le retour.
« Oh ! écrit-elle, je n’ai pas la prétention ridicule d’y parvenir toute seule, ni de si tôt. Mais ma contribution, si modeste qu’elle soit, ne peut pas être inutile. Il faut que je cherche, que j’écoute, que je retienne. Maintenant, je vois ma tâche. Je la poursuivrai. »
Très vite, elle se découvre un allié. Elle rencontre à Bordeaux son fidèle Paron. C’est un vieil ami. Il a dépassé la soixantaine. Elle a confiance en sa rude droiture, et sa tendresse attentive lui est toujours très chère.
Au premier contact avec Paron, elle appréhende l’inévitable conversation sur la guerre, les propos prudents et convenus qu’on échange d’abord. Mais, dès les premiers mots, le vieillard lui avoue que cette guerre lui inspire une