Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

renouer la triste vie. Je lis : « La paix prématurée… » Formule nouvelle. La paix prématurée ! Après trois ans d’un massacre où périssent chaque jour mille jeunes Français ! Après trois ans d’une guerre sans exemple ! Oui, sans exemple ! Comparez à 1870. On est bien obligé de prendre les chiffres allemands, puisque la France, seule parmi tous les belligérants, ne publie aucune perte. Officiellement, en 1870, les Allemands ont eu 28.000 morts. Depuis août 1914, toujours officiellement, ils en avouent 1.400.000. Cinquante fois plus ! Une guerre cinquante fois plus meurtrière, cinquante fois plus sauvage, que celle de 1870. Et la paix serait prématurée !

De temps en temps, la presse, qui entretient, qui attise la haine d’un souffle inlassable, forge un vocable nouveau pour flétrir les réfractaires. Aujourd’hui, elle les nomme les défaitistes. Nul, sauf quelques misérables insensés, ne souhaite naturellement la défaite de son pays. Non. Les défaitistes, ce sont ceux qui ont horreur de la guerre en soi ; ceux à qui la vie des autres apparaît plus précieuse que des annexions et des indemnités, ceux qui refusent d’atteindre, par de nouveaux sacrifices, des buts cupides, pavoisés de nobles couleurs ; ceux à qui la paix actuelle