Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/125

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surbondés, qui se coulent comme ils peuvent entre les grands rapides et les innombrables convois de troupes et de matériel — j’écoutais les propos. Dans le couloir, un permissionnaire dit d’un ton bonasse : « Enfin, toutes les choses ont deux bouts. On a commencé par un bout. Faudra bien finir par l’autre. »

Devant moi, une vieille dame cossue explique à sa voisine la difficulté de composer des menus maigres. Son mari demande timidement : « Est-ce que les topinambours sont vraiment comestibles ? » Leur fils était aviateur, en Champagne. Et ils poussaient des soupirs légers en évoquant les périls qu’il courait, comme en parlant des menus maigres et des topinambours.

La voisine avait un fils dans l’infanterie. Elle avoue qu’il se plaignait de la mauvaise nourriture. Effarée de son audace, elle ajouta bien vite : « Mais, quand on est jeune et quand on a faim, tout est bon, n’est-ce pas ? »

Et pas un mot pour souhaiter que cette folie cesse, qu’on étudie les moyens d’y mettre fin. On admire cette longue patience. Allons donc ! Elle n’est que respect humain, orgueil, moutonnerie, ignorance dupée.

Et je me rappelle encore ce mot d’une très vieille dévote, qui montre combien les croyances