Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/162

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pour les renvoyer au massacre ? De faire des miracles, de rendre l’ouïe aux sourds, la parole aux muets, le mouvement aux paralytiques, de les ressusciter pour les rejeter à la mort ?

Et personne non plus, sauf mon vieux Paron, pour me comprendre. Je suis seule. Il me semble que je parle une autre langue que les autres… Autour de moi, tout le monde admet la guerre en soi, s’y résigne comme à la mort, comme aux grands fléaux naturels ; on adopte son langage et ses coutumes ; on accepte les règles du jeu féroce ; loin de le honnir, on l’honore. Voilà contre quoi mon cœur et ma raison protestent. Je ne conçois pas qu’une nation s’approprie une ville, une province parce qu’elle l’a prise « par les armes ». Je ne conçois pas qu’on mette au sommet de la gloire des hommes qui ont « tué de leurs mains » d’autres hommes. Je ne conçois pas que les différends et les conflits entre peuples se règlent d’après le nombre des ventres affamés et des ventres crevés.

25 décembre 1917.

On publie les propositions de paix de la Russie.