Mais je ne parviens pas à fixer mon esprit sur les événements du jour. Le congé de mon fils touche à sa fin. J’aurais voulu prolonger son repos, obtenir pour lui quelque emploi à l’intérieur. Il me semblait qu’il avait acquitté sa dette, même aux yeux des plus orthodoxes. Mais il s’y est nettement opposé, de ce ton stoïque et bref dont il parle désormais de la guerre.
Devais-je plaider à fond, vider mon cœur ! J’avais si mal réussi, une première fois, au moment de son engagement… N’avais-je pas, malgré moi, ajouté à ses raisons, en lui montrant que son père était de ceux qui avaient appelé la guerre ? En lui prouvant aujourd’hui que les mêmes hommes entendent la prolonger, ne fortifierais-je pas sa résolution de rejoindre sans délai les armées ?
Et personne pour me soutenir utilement. Mon mari approuve René. Pressenti par moi, il m’a lourdement répondu que des habitants de Ganville avaient vu leur fils, trois fois blessé, trois fois repartir, que nous devions donner l’exemple au village et que nous en étions justiciables. Ô respect humain, sans qui la guerre serait impossible…
Pourtant, n’est-ce pas monstrueux, de guérir, de réparer, de recoudre des hommes massacrés,