Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute-puissante oppression du pouvoir, des révoltes désespérées secouent le monde ouvrier. Malgré le respect humain, la crainte de paraître tiède ou suspect, de ne pas « dire comme tout le monde », des soupirs montent de l’énorme masse populaire. Dans la rue, en wagon, dans les magasins, on surprend de timides cris de pitié : « Assez de sacrifices… La paix… La fin, vivement la fin. »

Ces plaintes, nos journalistes les ont certainement entendues, s’ils ont vraiment écouté la foule. Mais ils ne les ont pas rapportées. Ils ne pouvaient pas les rapporter. Et c’est une fois de plus la sophistication, la drogue empoisonnée.

Jamais, jamais on ne se rendra suffisamment compte de la duperie abominable dont la foule fut la victime quotidienne. Elle ne voit qu’une face des choses. Elle n’entend qu’un son. Elle ne connaît qu’une version du drame. On voile l’autre face, on étouffe l’autre son, on tait l’autre version. Quelle mentalité résisterait donc à ce traitement infligé tous les jours, depuis mille jours ?