Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec des illuminés. Et s’ils étaient encore accessibles à la raison, donneraient-ils le spectacle de leur frénésie et ne rougiraient-ils pas de leur langage ?

Ganville, 16 août 1915.

Visite à la ferme. Je n’avais pas revu les Mitry depuis le départ de leur fils. Mitry travaillait aux champs. Sa femme, haute et d’aplomb, a dû être fort belle. Mais sa silhouette est épaissie, sa figure toute fanée. Seuls, les yeux bruns restent admirables. Elle m’a demandé timidement, comme la plupart au village : « À quand la fin ? » Car ils croient que nous disposons de l’avenir. Je lui ai avoué que je n’en savais pas plus qu’elle et que je souhaitais la fin autant qu’elle. Mise en confiance, elle m’a raconté qu’ils avaient été voir leur fils, mobilisé dans un camp d’instruction. Il n’est pas heureux. Pourtant dur à la peine, il est exténué. Bien que les gros mots ne lui fassent pas peur, il s’étonne des injures que leur crachent les gradés. Et puis, ils ont faim… Ils n’osent pas s’en plaindre à leurs chefs. Certains de leurs officiers sont d’une sévérité mor-