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LES « HAUTS FOURNEAUX »

me hantait depuis le matin, un mot qui remontait à ma mémoire chaque fois qu’éclatait la jactance des partisans de Poincaré, un mot prononcé par de vieux routiers de la politique qui n’étaient pas tous ses adversaires ou ses rivaux, un mot répété par des penseurs qui ne se mêlaient point aux luttes des partis, un mot murmuré dans les milieux officiels et jusque dans l’entourage du prétendant : « Poincaré, c’est la guerre. »

Et, au fond de l’auto qui nous ramenait à Paris, rencognée dans l’ombre, quand j’évoquais la bande des Foucard attablés, les pécores de ma loge, les triomphateurs des couloirs, le mot me poursuivait : « Poincaré, c’est la guerre. »

Et depuis dix-huit mois, ce mot me harcèle. Il s’est imposé à moi le jour où parut, en même temps que le message présidentiel, la nomination de Delcassé au poste d’ambassadeur à Pétersbourg. Delcassé, qui considérait le Kaiser comme son ennemi personnel, Delcassé qui depuis dix ans, et souvent sans contrôle, obéissait à sa vindicte et qui, dans son nouvel emploi, ne pourrait que le servir encore. Ce mot m’a poursuivi pendant les débats de cette loi de trois ans, qui fut presque le don de joyeux avènement du règne. Elle m’était suspecte parce que l’utilité n’en apparaissait qu’à ceux dont elle servait les