Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/248

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hommes depuis qu’ils existent, ne pourront jamais disparaître. Mais n’a-t-il pas vu disparaître des maux aussi vieux que l’humanité ? De son vivant, n’a-t-on pas aboli en fait la mort par la rage, la mort par la diphtérie, par la typhoïde ? De quel droit place-t-il la guerre parmi les maux éternels ? Enseigner cette perpétuelle nécessité de la guerre à des jeunes hommes, dont beaucoup allaient se sacrifier aux cris de « Guerre à la guerre !… La dernière guerre !… », c’est un crime.

Fontainebleau, 3 septembre 1916.

À l’hôtel, deux jeunes femmes se penchent sur un grand illustré qui publie par pages entières, en « tableaux d’honneur », les portraits des combattants cités à l’ordre du jour. Elles cherchent dans chaque feuille celui de ces visages qu’elles préfèrent, sans se rien dire, afin de voir ensuite si elles sont tombées d’accord. C’est un jeu. Seulement, deux fois sur trois, ces jeunes hommes ont été tués. Les citations l’attestent. Le visage préféré est le visage d’un mort… Mais les deux jolies joueuses ne s’en soucient pas,