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LES « HAUTS FOURNEAUX »

14 février 1915.

Ce soir, avant dîner, Pierre et Foucard s’entretenaient d’un projet arrêté le matin même : une flotte anglo-française doit forcer les Dardanelles. L’affaire est encore secrète, paraît-il. Mais voilà ce dont mon mari ne s’embarrasse guère. Vraiment, il connaît la décision des ministres avant qu’elle soit prise. Il approuvait fort l’expédition et s’emportait violemment contre ceux qui la jugent difficile et prédisent la perte de nombreux cuirassés.

— Les cuirassés… les cuirassés. Ils ne sont pas faits pour rester sous globe. S’ils coulent, on les remplacera.

Parbleu !… Mais, pendant qu’il parlait, j’ai eu la vision des bateaux engloutis soudain, des milliers d’hommes survivant un instant au naufrage, des fourmilières noires s’agitent sur la mer. Un cri m’a échappé :

— Et les hommes !

Pierre est toujours surpris de m’entendre.

— Les hommes… Quels hommes ? Ah ! Les équipages… Eh bien, c’est leur métier.