Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/83

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domine nettement. Mais son exubérante virtuosité abuse un peu des effets de torse.

C’est qu’il joue devant Colette Butat. En face de moi, elle est nonchalamment accoudée à l’appui-bras de sa stalle. Le hasard l’a placée à côté de Paron, que mon mari a amené ce matin. Et le contraste est comique, entre la silhouette ascétique de mon vieil ami, son crane chauve, son long nez tombant sur sa courte moustache grise, et cette splendide créature de plaisir. Coiffée bas, les yeux saillants, les lèvres taillées en pleine viande, elle respire la force indolente et paisible d’un bel animal au pâturage.

Pierre a d’autres excuses à son jeu triomphant, d’autres raisons de rayonner. Il apporte de Paris la certitude que l’Italie va entrer dans la guerre. Depuis une semaine, l’offre de ce concours est parvenue au gouvernement. Il suffit que les alliés en acceptent les conditions. « Question de semaines », affirme Pierre. Pour lui, cette intervention sera décisive. C’est le poids jeté dans un plateau de la balance hésitante. L’équilibre sera rompu en faveur de l’Entente.

Sûr de la victoire, il dicte la paix. On dirait qu’il la dicte à ses deux partenaires, le sénateur et le journaliste. Il exige des réparations et des