Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/347

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93. Dans les démocraties où domine une multitude avide, dès qu’une fois cette multitude s’est ouvert par les lois la porte des honneurs, la paix n’est plus qu’une lutte dans laquelle on se dispute la puissance, non plus avec les lois, mais avec les armes ; et la puissance elle-même est un moyen de faire des lois pour enrichir le parti vainqueur ; telles furent à Rome les lois agraires proposées par les Gracques. De là résultent à la fois des guerres civiles au dedans, des guerres injustes au dehors.

Cet axiome confirme par son contraire ce qu’on a dit de l’héroïsme romain pour tout le temps antérieur aux Gracques.


94. Plus les biens sont attachés à la personne, au corps du possesseur, plus la liberté naturelle conserve sa fierté ; c’est avec le superflu que la servitude enchaîne les hommes.

Dans son premier article, cet axiome est un nouveau principe de l’héroïsme des premiers peuples ; dans le second, c’est le principe naturel des monarchies.


95. Les hommes aiment d’abord à sortir de sujétion et désirent l’égalité ; voilà les plébéiens dans les républiques aristocratiques, qui finissent par devenir des gouvernements populaires. Ils s’efforcent ensuite de surpasser leurs égaux ; voilà le petit peuple dans les états populaires qui dégénèrent en oligarchies. Ils veulent enfin se mettre au-dessus des lois ; et il en résulte une démocratie effrénée, une anarchie, qu’on peut appeler la pire des tyrannies, puisqu’il y a autant de tyrans qu’il se trouve d’hommes audacieux et dis-