Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/365

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profonde, leur liberté bestiale ne pouvait être domptée et enchaînée que par l’idée d’une divinité quelconque qui leur inspirât de la terreur. Mais, lorsque nous cherchons comment cette première pensée humaine fut conçue dans le monde païen, nous rencontrons de graves difficultés. Comment descendre d’une nature cultivée par la civilisation à cette nature inculte et sauvage ? c’est à grand’peine que nous pouvons la comprendre, loin de pouvoir nous la représenter.

Nous devons donc partir d’une notion quelconque de la divinité dont les hommes ne puissent être privés, quelque sauvages, quelque farouches qu’ils soient ; et voici comment nous expliquons cette connaissance : l'homme déchu, n'espérant aucun secours de la nature, appelle de ses désirs quelque chose de surnaturel qui puisse le sauver ; or, cette chose surnaturelle n’est autre que Dieu. Voilà la lumière que Dieu a répandue sur tous les hommes. Une observation vient à l’appui de cette idée, c’est que les libertins qui vieillissent, et qui sentent les forces naturelles leur manquer, deviennent ordinairement religieux.

Mais des hommes tels que ceux qui commencèrent les nations païennes, devaient, comme les animaux, ne penser que sous l’aiguillon des passions les plus violentes. En suivant une métaphysique vulgaire qui fut la théologie des poètes, nous rappellerons (voy. les axiomes) cette idée effrayante d’une divinité qui borna et contint les passions bestiales de ces hommes perdus, et en fit des passions humaines. De cette idée dut naître le noble effort propre à la volonté de l'homme, de tenir en bride les mouvements imprimés à l’âme par le