Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/366

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corps, de manière à les étouffer, comme il convient à l’homme sage, ou à les tourner à un meilleur usage, comme il convient à l’homme social, au membre de la société[1].

Cependant, par un effet de leur nature corrompue, les hommes, toujours tyrannisés par l’égoïsme, ne suivent guère que leur intérêt ; chacun voulant pour soi tout ce qui est utile, sans en faire part à son prochain, ils ne peuvent donner à leurs passions la direction salutaire qui les rapprocherait de la justice. Partant de ce principe, nous établissons que l’homme dans l’état bestial n’aime que sa propre conservation ; il prend femme, il a des enfants, et il aime sa conservation en y joignant celle de sa famille ; arrivé à la vie civile, il cherche à la fois sa propre conservation et celle de la cité dont il fait partie ; lorsque les empires s’étendent sur plusieurs peuples, il cherche avec sa conservation celle des nations dont il est membre ; enfin quand les nations sont liées par les rapports des traités, du commerce et de la guerre, il embrasse dans un même désir sa conservation et celle du genre humain. Dans toutes ces circonstances, l’homme est principalement attaché à son intérêt particulier. Il faut donc que ce soit la Providence elle-même qui le retienne dans cet ordre de choses, et qui lui fasse suivre dans la justice la société de famille, de cité, et enfin la société humaine. Ainsi conduit par elle, l’homme, incapable d’atteindre toute l’utilité qu’il

  1. Notre libre arbitre, notre volonté libre peut seule réprimer ainsi l’impulsion du corps… Tous les corps sont des agents nécessaires, et ce que les mécaniciens appellent forces, efforts, puissances, ne sont que les mouvements des corps, mouvements étrangers au sentiment. (Vico.)