Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand corps animé et l’appelèrent Jupiter[1]. Ils présumèrent que, par le fracas du tonnerre, par les éclats de la foudre, Jupiter voulait leur dire quelque chose ; et ils commencèrent à se livrer à la Curiosité, fille de l'Ignorance et mère de la Science [qu’elle produit, lorsque l’admiration a ouvert l’esprit de l’homme]. Ce caractère est toujours le même dans le vulgaire : voient-ils une comète, une parhélie, ou tout autre phénomène céleste, ils s’inquiètent et demandent ce qu'il signifie

  1. Avec l’idée d’un Jupiter, auquel ils attribuèrent bientôt une Providence, naquit le droit, jus, appelé ious par les Latins, et par les anciens Grecs diaion, céleste, du mot dios ; les Latins dirent également sub dio, et sub jove pour exprimer sous le ciel. Puis, si l’on en croit Platon dans son Cratyle, on substitua par euphonie dikaion. Ainsi toutes les nations païennes ont contemple le ciel, qu’elles considéraient comme Jupiter, pour en recevoir par les auspices des lois, des avis divins ; ce qui prouve que le principe commun des sociétés a été la croyance à une Providence divine. Et pour en commencer l’énumération, Jupiter fut le ciel chez les Chaldéens, en ce sens qu’ils croyaient recevoir de lui la connaissance de l’avenir par l’observation des aspects divers et des mouvements des étoiles, et on nomma astronomie et astrologie la science des lois qu’observent les astres, et celle de leur langage ; la dernière fut prise dans le sens d’astrologie judiciaire, et dans les lois romaines Chaldéen veut dire astrologue. — Chez les Perses, Jupiter fut le ciel, qui faisait connaître aux hommes les choses cachées ; ceux qui possédaient cette science s’appelaient mages, et tenaient dans leurs rites une verge qui répond au bâton augurai des Romains. Ils s’en servaient pour tracer des cercles astronomiques, comme depuis les magiciens dans leurs enchantements. Le ciel était pour les Perses le temple de Jupiter, et leurs rois, imbus de cette opinion, détruisaient les temples construits par les Grecs. — Les Égyptiens confondaient aussi Jupiter et le ciel, sous le rapport de l’influence qu’il avait sur les choses sublunaires et des moyens qu’il donnait de connaître l’avenir ; de nos jours encore ils conservent une divination vulgaire. — Même opinion chez les Grecs qui tiraient du ciel des theôrèmata et des pathèmata, en les contemplant des yeux du corps, et en les observant, c’est-à-dire, en leur obéissant comme aux lois de Jupiter. C’est du mot pathèmata, que les astrologues sont nommés mathématiciens dans les lois romaines. — Quant à la croyance des Romains, on connaît le vers d’Ennius :
    Aspice hoc sublime cadens, quem omnes invocant Jovem ;


    le pronom hoc est pris dans le sens de cœlum. Les Romains disaient aussi