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COMME JADIS…


HERMINIE DE LAVERNES
À GÉRARD DE NOULAINE


Monsieur,

Je ne sais si je dois accepter les documents que vous m’offrez… Je suis franche et dois vous dire que malgré l’amabilité que vous me témoignez, ma rancune subsiste entière. Devant moi, sur le rayon de bois blanc, votre Roman d’antan s’aligne parmi mes quelques livres. Un regard sur la couverture de papier crème suffit à rallumer mon ressentiment. J’hésite à charger ma conscience d’une dette de reconnaissance contre laquelle elle protesterait. Je vous concède que l’intention d’opposer le roman de notre parente aux vilenies modernes ait pu vous apparaître louable ; mais il m’est impossible, à moi, de considérer le fait du même point de vue. Mon seul devoir est de défendre, contre la curiosité publique, la mémoire de celle dont je porte le nom et le prénom, et de protester contre la mise en librairie de ce qui fut le chaste roman de sa vie.

À soixante-dix ans, mon arrière-grand-père, le chevalier Pierre de Lavernes, prit la plume. Mort à quatre-vingt-deux ans, il a laissé à son pays des ouvrages où la critique d’aujourd’hui reconnaît encore l’œuvre maîtresse de la littérature canadienne. Or, mon aïeul a eu, là, à portée de la main, le trésor des lettres d’Herminie. Il ne songea point