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Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/129

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COMME JADIS…

— Taisez-vous, Noëlla, M. Valiquette ne vient pas me voir et vous, vous êtes la plus jolie fille de Lavernes, pour ne pas dire de toute l’Alberta du Nord…

Son père l’appelait, elle a mis un baiser sur ma joue et s’est enfuie.

Nous sommes revenus par des chemins mous que les fers des chevaux détachaient par morceaux et nous envoyaient au visage. Heureusement le froid reprendra… »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Vous venez de les lire ces brouillons que je vous écrivis chacun des jours où votre pensée plus proche secouait ce que je voulais appeler mon indolence. La vérité est que je ne me trouvais jamais assez ferme pour être l’amie que vous réclamiez. N’est-ce pas invraisemblable que, moi, la petite Canadienne, perdue dans la solitude du Nord, fruste et sans expérience du monde, je puisse être d’un secours appréciable à Gérard de Noulaine, le peintre déjà célèbre, habitué aux finesses d’esprit et aux expressions de ses compatriotes si cultivés ? Ma témérité est faite de ma franchise rude, Gérard, il n’est pas digne de vous de laisser se déformer le sens de votre vie, par l’épreuve qui doit au contraire la rectifier, la fixer.

Cette lettre partie, je sentirai peser la responsabilité de votre avenir, avec l’incertitude douloureuse, l’oppression des choses inexprimables ; mais,