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COMME JADIS…

Il faudrait que le bateau qui porte ma lettre de l’autre jour arrive vite au port, que le train rapide l’emporte vers vous, que vous sachiez bientôt…


Après dîner, Jack est venue. Il paraît qu’il fait un temps splendide ; la tremblaie est sonore comme je l’aime ; les pembinas s’égrènent ; je suis pâle par suite de la claustration de ces jours derniers ; finalement je dois prendre de l’exercice. Henriette s’en mêle. Jack avait à la main, un de ces petits seaux à confiture ou à graisse qui rendent d’incalculables services domestiques. Il fallait partir tout de suite faire une cueillette de baies délicieuses en gelée. Je considérais mon amie. Par-dessus ses « overalls » à rayures blanches et bleues, elle avait revêtu un paletot de velours verdâtre, doublé de peau de mouton, et serré à la taille par une ceinture fléchée. Ses cheveux jaune-roux sortaient en mèches courtes de son casque en pichou, fabriqué par elle-même ; sa peau duvetée, épaisse, se plissait autour des lèvres, des yeux : je la trouvais ridicule, grotesque.

— « Je regarde mal », me dit-elle, en riant, dans ce français de métis qu’elle a appris à grand’peine ça et là.

— Je vous aime bien quand même, répondis-je, avec le vague remords d’avoir méconnu, la minute d’avant, cette bonne créature.

— Oui « je prendrai » une bonne photo, conti-