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Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/134

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COMME JADIS…

Maignan. Tout de suite, mes souvenirs sont fixés : Henri Maignan, mon condisciple à la rue des Postes, le fils du richissime raffineur du quai de la Madeleine, à Nantes, dont l’action sociale commençait à trouver un écho dans la presse avant nos voyages. Comme d’habitude, l’évocation se précise en quelques lignes, comme s’il fût là posant pour un portrait : taille moyenne, des épaules trop hautes, trop larges qui en font une sorte de grand bossu, blond, une chevelure abondante, magnifique, découvrant un front vaste, blanc, plus blanc que le reste du visage toujours animé d’une fièvre perpétuelle. Il y a quatre ans que je l’ai rencontré ainsi, il doit être resté tel, du moins je l’imagine. À la sortie du collège, nous avons choisi des voies différentes ; par hasard, nous nous sommes retrouvés un jour à Nantes. Que peut-il m’écrire ? Je lis :

« Mon cher Noulaine. J’apprends par un de nos jeunes gens, dont les parents habitent Étampes, que tu passes l’hiver sur tes terres. J’ai lu ton Roman d’antan. La documentation que tu dois posséder est une richesse. On parle beaucoup du Canada en ce moment. Plusieurs des nôtres ont l’intention même de faire voile vers la terre de Champlain et de Montcalm au printemps. Sacrifie-nous, artiste, une de tes soirées, viens nous donner une conférence sur la Nouvelle-France. Ce serait très chic de faire plaisir à ton vieux camarade.

Henri Maignan. »