Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
COMME JADIS…

entre les hautes futaies, au-dessus de la masse sombre des forêts inextricables : je l’aime toujours. À se guider sur ce ruban aérien, on ne s’égare jamais.


Gérard, je me plais à vous sentir voisin de l’amitié de M. Maignan ; cela me rassure. Je vous vois dans l’action à ses côtés. Si vous saviez quelle fierté j’éprouve, à la pensée de la tendre et délicate valeur que l’on découvre si aisément sous la nonchalance de l’artiste ! Mon affection pour vous a d’amusantes nuances d’orgueil maternel, et vous êtes quand même le grand frère de votre petite sœur,

Minnie.

GÉRARD À MINNIE

Nos lettres se croisent sur terre et sur mer ; elles se rencontrent, convoyant notre amitié qui m’apparaît de mieux en mieux comme un joyau sans prix ; elles se hâtent de réparer le temps où nous étions des étrangers l’un pour l’autre. Concevez-vous, Minnie, que ce temps-là ait pu exister ? Je le perçois d’une façon aiguë. C’était la période nocturne où mon âme, inassouvie par des semblants d’amitié qu’on lui offrait, s’affolait de détresse et de solitude, se tendait douloureuse vers un idéal