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Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/191

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COMME JADIS…

tallés aux Springs ?… Attendez… Il y avait une fois une petite fille, âgée de onze ans, qui habitait un grand pays désert avec son père et une vieille métisse. Un jour, son père lui dit : Nous avons des voisins à trois milles. Il y a plusieurs enfants, je t’emmènerai les voir dimanche prochain.

Les enfants ne manquaient pas, en effet. Depuis le plus petit dans son ber qui m’effrayait beaucoup, à cause de son crâne qui était très développé, jusqu’à la fillette de quinze ans que je pris pour une femme parce qu’elle avait les cheveux en chignon et le droit de se faire obéir des autres, il y avait onze petits Labbé bien comptés.

Chaque fois que mon père allait chez nos voisins, j’étais du voyage. À cette époque, Mme Labbé, était loin d’avoir quarante ans. Petite brune, le teint clair, bien qu’elle passât la majeure partie de son temps dehors, elle était belle ; mais elle donnait l’impression d’une si grande activité qu’on désirait abréger le temps de la visite. Je m’imaginais toujours qu’elle désirait mon départ pour pouvoir aider son mari dans des travaux qui requéraient des bras plus vigoureux que ceux de l’ainé des garçons — qui avait treize ans — et était un peu malingre… Pourtant, à la maison, elle ne restait pas à rien faire. Je ne sais ce qu’elle était incapable de produire. Elle lavait la tonte des deux moutons bruns, en filait la laine grasse pour tricoter tous les lainages de la maisonnée, fabriquait du savon