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COMME JADIS…

le reflet d’un amour si haut, si noble que j’en demeurais ébloui et à la fois rasséréné.

Ne me dites pas que je payai bien mal ma reconnaissance à la mémoire des fiancés : en quittant la tour, la pensée de publier ces lettres m’eût paru indigne, odieuse. Ce fut plus tard — quelques semaines plus tard… des semaines que je passai, dans la tour d’Herminie, à lire et relire, classer les lettres fanées…

Un soir, je trouvai parmi mon maigre courrier, entre deux journaux quelconques, une enveloppe d’une forme et d’une teinte que je connaissais bien, que je connaissais trop. Dans un stupide désir de vengeance, je froissai l’enveloppe. Et puis, comme l’enfant arrête ses sanglots pour considérer l’angle du mur contre lequel il s’est blessé, je défroissai l’enveloppe, je retirai l’épaisse feuille de papier et je lus : « Par le même courrier, mon cher ami, vous recevrez la Voie étroite. Puisse ce premier essai vous prouver que j’eus raison de ne pas me détourner d’une route où tout m’attirait. Bonnes amitiés.

« Jacqueline Maurane »


Peu vous importe, Madame, la personnalité de Jacqueline Maurane. Supposez que Jacqueline Maurane soit étrangère à mon proche passé douloureux ; supposez que la Voie étroite — la voie étroite, l’Amour ! le devoir sacré de faire germer