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Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/59

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COMME JADIS…

mot à la mine bizarre : l’un est d’authentique noblesse française, l’autre vient du patois poitevin ou normand ; celui-ci est marin, celui-là est terrain ; cet autre est un anglicisme qu’on rencontre trop fréquemment dans l’Ouest.

Donc, Jack m’apporte une lettre de vous, mon cousin. J’ai tant de peine de vous trouver si las que, par réaction, je m’arme de tout mon courage pour venir à vous. Je me sens cependant une bien petite fille, et tellement inexpérimentée, pour accepter ce rôle que vous me tracez presque impérieusement, en dépit de votre air de mendiant ! Et puis, cela m’intimide de vous savoir si vieux. Un cousin, d’habitude a l’âge d’un frère, d’un frère aîné, si vous voulez, et avec un frère on est à l’aise pour parler. Si vous étiez un cousin de cet âge-là, je vous dirais : « Défendez-vous contre ce goût d’ensevelissement ». Je m’effraie plus pour vous des rhumes risqués dans les corridors de Noulaine que des coups reçus au cours de la lutte. Êtes-vous vieux à ce point que vous ne puissiez éprouver le frisson qui pousse à l’action, à la bataille ! Il faut achever votre convalescence au sein de l’apaisement qui vient de la solitude, mais pourquoi vouer à la stérilité des heures sans prix pour votre tempérament d’artiste ! Où en est le projet de tableau qui vous fit monter à la tour d’Herminie le jour où vous trouvâtes les fameuses lettres ! Pourquoi votre pinceau renoncerait-il à traduire en une