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COMME JADIS…

œuvre incomparable la poésie de votre vallée ?… Si l’amertume a commis le crime atroce de tuer en vous l’inspiration, ce mécanisme merveilleux de l’art, alors consacrez vos quelques mois de repos à l’une de ces œuvres sociales que l’on cite à l’honneur de la France rurale.

Ne sachant pas si vos cheveux blancs pardonneront à mon audace, je rentre tremblante dans mon trou de gopher ! Pour me sentir en sécurité, j’inspecte mes galeries, mes galeries de gopher.

Quelle heure est-il à Noulaine ? Chez nous c’est le soir. Huit heures. La pâte a mal levé, Henriette n’a pas fini de cuire le pain. À travers les planches mal jointes de la porte, l’odeur chaude vient jusqu’à moi et me réjouit : ça sent la maison. La tête monstrueuse de caribou surmontant la cheminée est toute éclairée de lueurs rouges, rose clair, que la souche de saule déroule sans fin.

Nous pouvons parler de l’hiver proche sans trop d’effroi. Depuis longtemps, les fortes gelées de la nuit, les matins et les soirs glacials, les rafales de vent secouant les arbres dénudés, mériteraient à la saison présente le nom d’hiver, mais nous nous plaisons à reculer l’automne jusqu’à ses extrêmes limites. Le printemps, l’automne, l’on n’entend guère que ces deux noms dans l’énumération des saisons canadiennes. Dieu sait pourtant que l’hiver et l’été ont un caractère si nettement prononcé qu’on ne saurait les méconnaître au passage !