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COMME JADIS…

Entre ces deux saisons, le printemps est un trait mince, éphémère, tracé à la hâte par le temps. L’ardeur des sèves trop longtemps contenues, la soif de vie et de lumière qui érige le moindre brin d’herbe et ressuscite la plus humble bestiole, la complicité d’un soleil qui semble avoir brûlé les étapes pour nous arriver tout droit des tropiques, tout concourt à infliger, ici, au printemps, la soudaineté, la rapidité d’une brusque transition.

Notre automne mérite plus justement l’importance que nous lui accordons. C’est la saison canadienne. Ici, dans notre Nord-Ouest, il nous arrive avant que les avoines tardives ne soient coupées. Il encadre les champs, encore mouvants d’ors clairs de la somptuosité d’ors plus vifs que le gel de chaque nuit rouillera. Les broussailles rousses semblent vivantes avec leurs feuillages à peine froissés. Les midis ensoleillés ne perdent que peu à peu leur chaleur. Il faut que, soudain, un violent coup de vent souffle sur ce décor rutilant pour le disperser, et, jusqu’à ce que la neige recouvre la terre, nous ne nous résignons pas à appeler hiver une saison sans feuilles, sans chants d’oiseaux…

N’allez pas croire, mon cousin, que nous ne recueillons pas comme d’impérieux avis les changements de nuances, les transformations que chaque heure fait subir à la nature. Déjà la toison fauve des lapins pâlit et s’épaissit. Les précautions les plus urgentes sont prises en vue du long