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Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/75

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COMME JADIS…

Égoïstement, je vous ai dit : la souffrance m’a aigri, je me retranche du nombre des vivants ; pour vous j’entr’ouvrirai ma porte parce que vous viendrez à ma solitude sous forme de lettre. Je vous disais cela, et à part moi j’ajoutais : durant les jours amers, les enveloppes resteront intactes. Voyez le miracle des grands caractères de votre écriture, miroirs de la main loyale qui les a tracés et des yeux clairs qui se sont penchés sur eux : aujourd’hui, jour de triste anniversaire, j’ai fendu l’épaisse enveloppe bise, dès que je l’ai reçue.

Je l’ai lue et relue, votre lettre. J’ai besoin de me croire en pleine réalité. Deux ou trois lignes m’ont-elles égratigné un peu le cœur ? Non. Tout est justement dit. Chaque phrase est tellement vous ! J’ai ri, j’ai souri, j’ai pleuré : à la première lecture, mes nerfs détraqués ne traduisaient pas en impressions exactes les mots que je lisais…

Minnie, toute ma volonté s’appliquera à vous comprendre. Vous me direz ce que vous exigez de moi. Vous me montrerez le chemin. Déjà le frémissement de votre énergie me gagne en ondes douces et impératives. Laissez s’achever ma convalescence ; je veux guérir. Hélas ! de longtemps, je le crains, je ne pourrai toucher à mes pinceaux. J’ai essayé, le désespoir s’est emparé de moi : ma main n’est plus guidée par l’inspiration. Un souffle mauvais a passé sur l’étincelle, l’a éteinte… Puisque je ne suis plus peintre, nous devrons tour-