Page:Michelet - Histoire de France - Lacroix 1880 tome 1.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
HISTOIRE DE FRANCE.

langue ou se laisser jeter dans le Rhône. Sans doute, ces jeux étaient renouvelés de quelque rite antique. Nous savons que c’était l’usage des Gaulois et des Germains de précipiter les vaincus comme victimes, hommes et chevaux. On observait la manière dont ils tourbillonnaient, pour en tirer des présages de l’avenir. Les Cimbres vainqueurs traitèrent ainsi tous ceux qu’ils trouvèrent dans les camps de Cépion et de Manlius. Aujourd’hui encore, la tradition désigne le pont du Rhône, d’où les taureaux étaient précipités[1].

Caligula avait près de lui les Gaulois les plus illustres (Valérius-Asiaticus et Domitius Afer) ; Claude était Gaulois lui-même. Né à Lyon, élevé loin des affaires par Auguste et Tibère, qui se défiaient de ses singulières distractions, il avait vieilli dans la solitude et la culture des lettres, lorsque les soldats le proclamèrent malgré lui. Jamais prince ne choqua davantage les Romains et ne s’éloigna plus de leurs goûts et de leurs habitudes ; son bégaiement barbare, sa préférence pour la langue grecque, ses continuelles citations d’Homère, tout en lui leur prêtait à rire ; aussi laissa-t-il l’Empire aux mains des affranchis qui l’entouraient. Ces esclaves, élevés avec tant de soin dans les palais des grands de Rome, pouvaient fort bien, quoi qu’en dise Tacite, être plus dignes de régner que leurs maîtres. Le règne de Claude fut une sorte de réaction des esclaves ; ils gouvernèrent à leur tour, et les choses n’en allèrent pas plus mal. Les plans de César furent

  1. Il fit construire le phare qui éclairait le passage entre la Gaule et la Bretagne. On a cru, dans les temps modernes, en démêler quelques restes.