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HISTOIRE DE FRANCE.

plus ouvrir la bouche après un tel discours, et éleva une statue à Caligula. Celui-ci n’exigea plus sa mort ; il lui suffisait de son silence.

Dans l’art gaulois, dès sa naissance, il y eut quelque chose d’impétueux, d’exagéré, de tragique, comme disaient les anciens. Cette tendance fut remarquable dans ses premiers essais. Le Gaulois Zénodore, qui se plaisait à sculpter de petites figures et des vases avec la plus délicieuse délicatesse, éleva dans la ville des Arvernes le colosse du Mercure gaulois. Néron, qui aimait le grand, le prodigieux, le fit venir à Rome pour élever au pied du Capitole sa statue haute de cent vingt pieds, cette statue qu’on voyait du mont Albano. Ainsi une main gauloise donnait à l’art cet essor vers le gigantesque, cette ambition de l’infini, qui devait plus tard élancer les voûtes de nos cathédrales.

Égale de l’Italie pour l’art et la littérature, la Gaule ne tarda pas à influer d’une manière plus directe sur les destinées de l’Empire. Sous César, sous Claude, elle avait donné des sénateurs à Rome ; sous Caligula, un consul. L’Aquitain Vindex précipita Néron, éleva Galba ; le Toulousain Bec[1] (Antonius Primus), ami de Martial et poète lui-même, donna l’empire à Vespasien ; le Provençal Agricola soumit la Bretagne à Domitien ; enfin d’une famille de Nîmes sortit le meilleur empereur que Rome ait eu, le pieux Antonin, successeur des deux Espagnols Trajan et Adrien, père

  1. Ou Becco. Suétone : Id valet gallinacei rostrum. — Beh (Armor.), Big (Kymr.), Gob (Gaël.).