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HISTOIRE DE FRANCE.

C’est de cet état d’immense poésie que sortit l’idéal germanique, le Sigurd Scandinave, le Siegfried ou le Dietrich von Bern de l’Allemagne. Dans cette figure colossale est réuni ce que la Grèce a divisé, la force héroïque et l’instinct voyageur, Achille et Ulysse : Siegfried parcourut bien des contrées par la force de son bras[1]. Mais ici l’homme rusé, tant loué des Grecs, est maudit, dans le perfide Hagen, meurtrier de Siegfried, Hagen à la face pâle et qui n’a qu’un œil, dans le nain monstrueux qui a fouillé les entrailles de la terre, qui sait tout, et qui ne veut que le mal. La conquête du Nord, c’est Sigurd ; celle du Midi, c’est Dietrich von Bern (Théodoric de Vérone ?). La silencieuse ville de Ravenne garde, à côté du tombeau de Dante, le tombeau de Théodoric, immense rotonde dont le dôme d’une seule pierre semble avoir été posé là par la main des géants. Voilà peut-être le seul monument gothique qui reste au monde aujourd’hui. Il n’a rien dans sa masse qui fasse penser à cette hardie et légère architecture, qu’on appelle gothique, et qui n’exprime en effet que l’élan mystique du christianisme au moyen âge. Il faudrait plutôt le comparer aux pesantes constructions pélasgiques des tombeaux de l’Étrurie et de l’Argolide[2].

Les courses aventureuses des Germains à travers l’empire, et leur vie mercenaire à la solde des Ro-

  1. Niebelungen, 87. — Il semble que, dans ses compositions, Cornélius ait eu sous les yeux les Niebelungen allemands plus que l’Edda et les Sagas Scandinaves.
  2. V. le Voyage d’Edgar Quinet. 5e volume des Œuvres complètes, 1857.