Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/144

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à leur fantaisie, de libres citoyens du monde qui ne dépendent que d’eux-mêmes dans la direction de leurs mouvements.

Tout ce qui pourra s’imaginer de locomotions différentes, de manières d’aller dans le monde supérieur, est égalé, surpassé d’avance par les infusoires. Le tourbillon impétueux d’un astre puissant, d’un soleil qui entraîne comme ses planètes les faibles qu’il a rencontrés, la course moins régulière de la comète échevelée qui traverse ou qui disperse des mondes vagues sur son passage, la gracieuse ondulation de la svelte couleuvre qui suit l’eau ou nage à terre, la barque oscillante qui sait tourner à propos, dériver pour passer plus loin ; enfin la reptation lente et circonspecte de nos tardigrades, qui s’appuient, s’attachent à tout, toutes ces allures diverses se trouvent chez les imperceptibles. Mais avec quelle merveilleuse simplicité de moyens ! Tel n’est lui-même qu’un fil qui, pour avancer, se darde, comme un tire-bouchon élastique. Tel, pour rame et gouvernail, n’a qu’une queue ondulante ou de petits cils qui vibrent. Les charmantes vorticelles comme des urnes de fleurs s’amarrent ensemble sur une île (une petite plante, un petit crabe), puis s’isolent en détachant leur délicat pédoncule.