Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/223

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des serviteurs si utiles. Contre son infini fécond, elle a dans les crustacés un infini d’absorption. Ils sont partout, sur toutes plages, aussi diversifiés que la mer. Ses vautours goëlands, mouettes, partagent avec les crustacés la fonction essentielle d’agents de la salubrité. Qu’un gros animal échoue, à l’instant l’oiseau dessus, le crabe dessous et dedans travaillent à le faire disparaître.

Le crabe minime et sauteur qu’on prendrait pour un insecte (le talitre) occupe les plages sablonneuses, habite dessous. Qu’un naufrage jette en quantité les méduses ou autres corps, vous voyez le sable onduler, se mouvoir, puis se couvrir des nuées de ces croque-morts danseurs, qui fourmillants, sautillants, approprient gaiement la plage, s’efforçant de balayer tout entre deux marées.

Grands, robustes, pleins de ruse, les crabes ou cancres sont un peuple de combat. Ils ont si bien l’instinct de guerre, qu’ils savent employer jusqu’au bruit pour effrayer leurs ennemis. En attitude menaçante, ils vont au combat, les tenailles hautes et faisant claquer leurs pinces. Avec cela, circonspects devant une force supérieure. Au moment de la basse mer, du haut d’un roc, je les voyais. Mais, quoique je fusse bien haut, dès qu’ils se sentaient regardés, l’assemblée battait en retraite, les guerriers, courant de travers, comme ils