Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/252

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surpasse infiniment en abondance celui des mammifères terrestres. La baleine blessée en inonde la mer en un moment, la rougit à grande distance. Le sang que nous avons par gouttes lui fut prodigué par torrents.

La femelle porte neuf mois. Son agréable lait, un peu sucré, a la tiède douceur du lait de femme. Mais, comme elle doit toujours fendre la vague, des mamelles en avant, placées sur la poitrine, exposeraient l’enfant à tous les chocs ; elles ont fui un peu plus bas, dans un lieu plus paisible, au ventre d’où il est sorti. Le petit s’y abrite, profite du flot déjà brisé.

La forme de vaisseau, inhérente à une telle vie, resserre la mère à la ceinture et ne lui permet pas d’avoir la riche ceinture de la femme, ce miracle adorable d’une vie posée, assise et harmonique, où tout se fond dans la tendresse. Celle-ci, la grande femme de mer, quelque tendre qu’elle soit, est forcée de faire tout dépendre de son combat contre les flots. Du reste, l’organisme est le même sous cet étrange masque ; même forme, même sensibilité. Poisson dessus, femme dessous.

Elle est infiniment timide. Un oiseau parfois lui fait peur et la fait plonger si brusquement, qu’elle se blesse au fond.

L’amour, chez eux, soumis à des conditions dif-