Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/257

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quand le pêcheur féroce les attaque dans leur enfant. On harponne le petit pour les faire suivre, et en effet ils font d’incroyables efforts pour le sauver, pour l’entraîner ; ils remontent, s’exposent aux coups pour le ramener à la surface et le faire respirer. Mort, ils le défendent encore. Pouvant plonger et échapper, ils restent sur les eaux en plein péril pour suivre le petit corps flottant.



Les naufrages sont communs chez eux, pour deux raisons. Ils ne peuvent, comme les poissons, rester dans les tempêtes aux couches inférieures et paisibles. Puis, ils ne veulent pas se quitter ; les forts suivent le destin du faible. Ils se noient en famille.

En décembre 1723, à l’embouchure de l’Elbe, huit femelles échouèrent, et près de leurs cadavres on trouva leurs huit mâles. En mars 1784, en Bretagne, à Audierne, même scène. D’abord des poissons, des marsouins, vinrent à la côte effarés. Puis on entendit des mugissements étranges, épouvantables. C’était une grande famille de baleines que poussait la tempête, qui luttaient, gémissaient, ne voulaient point mourir. Ici encore les mâles périssaient avec les femelles. Nombreuses,