Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/266

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Enceinte de nouveau, allaitant un second enfant, on la voit mener avec elle l’aîné, un jeune mâle que le père ne maltraite pas, qu’il aime aussi, et qu’il laisse à la mère.

Cette extrême tendresse, particulière aux Lamantins, s’est exprimée dans l’organisation par un progrès physique. Chez le phoque, grand nageur, chez l’éléphant marin, si lourd, le bras reste nageoire. Il est serré et engagé au corps ; il ne peut pas se délier. Enfin, le Lamantin femelle, tendre femme amphibie, mama di l’eau, disent nos nègres, accomplit le miracle. Tout se délie par un effort constant. La nature s’ingénie dans l’idée fixe de caresser l’enfant, de le prendre et de l’approcher. Les ligaments cèdent, s’étendent, laissent aller l’avant-bras, et de ce bras rayonne un polype palmé. — C’est la main.

Donc celle-ci a ce bonheur suprême, elle embrasse son enfant de sa main pour l’embrasser de sa poitrine. Elle le prend et le met sur son cœur.

Voilà deux grandes choses qui pouvaient mener loin ces amphibies :

Déjà chez eux, la main est née, l’organe d’industrie, l’essentiel instrument du travail à venir. Qu’elle s’assouplisse, aide les dents, comme chez le Castor, et l’art commencera, d’abord l’art d’abriter la famille.