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plages, grèves et falaises

emmené d’Afrique un homme intelligent, courageux, qui bravait les lions. Mais il n’avait pas vu la mer. Quand il monta sur un vaisseau, et qu’il eut à la fois cette double surprise et du redoutable élément, et de tous les arts inconnus, ce fut trop fort pour son cerveau. Il délira ; quoi qu’on fît, il trouva moyen d’échapper, et se jeta aveuglément dans ces flots qui l’effrayaient et qui l’attiraient cependant.

D’autre part, la mer attache tellement les hommes qui se sont confiés longtemps à elle, qui ont vécu avec elle et dans sa familiarité, qu’ils ne peuvent la quitter jamais. J’ai vu, dans un petit port, de vieux pilotes qui, devenus trop faibles, résignaient leur office. Mais ils ne s’en consolaient point, ils traînaient misérablement, et leurs têtes s’égaraient.


Au plus haut de Saint-Michel, on vous montre une plate-forme qu’on appelle celle des Fous. Je ne connais aucun lieu plus propre à en faire que cette maison de vertige. Représentez-vous tout autour une grande plaine comme de cendre blanche, qui