Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/302

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Ce qui fait le sublime de ces anciens héros, c’est leur ignorance même, leur aveugle courage, leur résolution désespérée. Ils ne connaissaient rien à la mer, bravaient d’effrayants phénomènes dont ils ne soupçonnaient pas la cause. Ils ne savaient pas mieux le ciel. La boussole fut tout leur bagage. Nul de ces instruments physiques qui nous guident et nous parlent en langage si précis. Ils allaient comme les yeux fermés dans la nuit. Ils étaient effrayés, ils le disent eux-mêmes, mais n’en démordaient pas. Les tempêtes de mer, les tourbillons de l’air, les tragiques dialogues de ces deux océans, les orages magnétiques qu’on appelle aurores boréales, toute cette fantasmagorie leur semblait la fureur de la nature troublée et irritée, la lutte des démons.



Les progrès ont été lents pendant trois siècles. On voit dans Cook et dans Péron combien, même en ces temps si près de nous, la navigation était difficile, périlleuse, incertaine.

Cook, de si grand courage, mais de vive imagination, en est ému, et dit dans son journal : « Les dangers sont si grands, que j’ose dire que per-