Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/311

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à qui reçoit le premier vent qui sort de là ! Il peut sombrer, être englouti.

Mais la forme ordinaire est celle d’un entonnoir. Un marin qui s’y laissa prendre dit : « Je me vis comme au fond d’un cratère énorme de volcan ; autour de nous, rien que ténèbres ; en haut, une échappée et un peu de lumière. » C’est ce que l’on appelle techniquement l’œil de la tempête.

Engrené, il n’y a plus à s’en dédire ; elle vous tient. Rugissements sauvages, hurlements plaintifs, râle et cris de noyade, gémissements du malheureux vaisseau, qui redevient vivant, comme dans sa forêt, se lamente avant de mourir, tout cet affreux concert n’empêche pas d’entendre aux cordages d’aigres sifflements de serpents. Tout à coup un silence… Le noyau de la trombe passe alors dans l’horrible foudre, qui rend sourd, presque aveugle… Vous revenez à vous. Elle a rompu les mâts sans qu’on en ait rien entendu.

L’équipage parfois en garde longtemps les ongles noirs et la vue affaiblie (Seymour). On se souvient alors avec horreur qu’au moment du passage la trombe, aspirant l’eau, aspirait aussi le navire, voulait le boire, le tenait suspendu dans l’air et hors de l’eau, puis elle le lâchait, le faisait plonger dans l’abîme.

En la voyant ainsi se gorger et s’enfler, absorber