Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/310

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courant chaud qui nous vient des Antilles, elle se précipite à raison de quarante-trois milles. Sa force de translation serait incalculable, si elle n’avait en elle-même une oscillation sous la lutte des vents du dedans, du dehors.

Lente ou rapide, sa fureur est la même. En 1789, il suffit d’un moment et d’une lame pour briser dans le port de Coringa tous les vaisseaux, les lancer dans les plaines ; seconde lame, la ville est noyée ; à la troisième elle s’écroule ; vingt mille habitants écrasés. En 1822, au contraire, aux bouches du Bengale, on vit la trombe, pendant vingt-quatre heures, aspirer l’air, et l’eau monter d’autant ; et cinquante mille hommes engloutis.

L’aspect est différent. En Afrique, c’est la tornada. Par un temps calme et clair, on sent de l’oppression à la poitrine. Un point noir apparaît au ciel, comme une aile de vautour. Ce vautour fond ; il est immense ; tout disparaît, tout tourne. C’est fait en un quart d’heure. Terre dévastée, mer bouleversée. Du vaisseau nulle nouvelle. La nature ne s’en souvient plus.

Vers Sumatra et au Bengale, vous voyez, vers le soir ou dans la nuit (point au matin), se faire un arc en haut. Dans un moment il a grandi, et de cette arche noire descendent, sur une lumière terne, des nappes de tristes éclairs pâles. Malheur