Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/327

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de lancer une idée, hasardée, mais très belle, qui piquait vivement l’ambition américaine. De même que Wilkes avait promis de découvrir un monde, Kane s’engageait à trouver une mer, une mer libre sous le pôle. Tandis que les Anglais, dans leur routine, cherchaient d’est en ouest, Kane allait monter droit au nord, et prendre possession de ce bassin inexploré. Les imaginations furent saisies. Un armateur de New-York, M. Grinnell, donna généreusement deux vaisseaux. Les sociétés savantes aidèrent et tout le public. Les dames, de leurs mains, travaillaient aux préparatifs avec un zèle religieux. Les équipages, choisis, formés de volontaires, jurèrent trois choses : obéissance, abstinence de liqueurs et de tout langage profane. Une première expédition, qui manqua, ne découragea pas M. Grinnell ni le public américain. Une seconde fut organisée avec le secours de certaines sociétés de Londres qui avaient en vue ou la propagation biblique ou une dernière recherche de Franklin.

Peu de voyages sont plus intéressants. On s’explique à merveille l’ascendant que le jeune Kane avait exercé. Chaque ligne est marquée de sa force, de sa vivacité brillante, et d’un merveilleux en avant ! Il sait tout, il est sûr de tout, ardent, mais positif. Il ne mollira pas, on le sent,