Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/328

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devant les obstacles. Il ira loin, et aussi loin qu’on peut aller. Le combat est curieux entre un tel caractère et l’impitoyable lenteur de la nature du Nord, remparts d’obstacles terribles. À peine est-il parti, qu’il est déjà pris de l’hiver, forcé d’hiverner six mois sous les glaces. Au printemps même, un froid de soixante-dix degrés ! À l’approche du second hiver, au 28 août, il est abandonné ; il ne lui reste que huit hommes sur dix-sept. Moins il a d’hommes et de ressources, plus il est âpre et dur, voulant, dit-il, se faire mieux respecter. Ses bons amis les Esquimaux qui aident à le nourrir, et dont il est même forcé de prendre quelques petits objets (p. 440), se sont accommodés chez lui de trois vases de cuivre. En retour, il leur prend deux femmes. Châtiment excessif, sauvage. Entre huit matelots qui lui sont restés à grand’peine, et dans un relâchement forcé de la discipline, il n’était guère prudent d’amener là ces pauvres créatures. Elles étaient mariées. « Sivu, femme de Metek, et Aningna, femme de Marsinga, » restent à pleurer cinq jours. Kane s’efforce d’en rire et de nous en faire rire : « Elles pleuraient, dit-il, et chantaient des lamentations, mais ne perdaient pas l’appétit. » Les maris, les parents, arrivent avec les objets dérobés, et prennent tout en douceur, comme des hommes intelligents qui n’ont d’armes