Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que des arêtes de poissons contre des revolvers. Ils souscrivent à tout, promettent amitié, alliance. Mais, quelques jours après, ils ont fui, disparu ! dans quels sentiments d’amitié ? on le devine. Ils diront sur leur route aux peuplades errantes combien il faut fuir l’homme blanc. Voilà comme on se ferme un monde.

La suite est bien lugubre. Si cruelles sont les misères, que les uns meurent, les autres veulent retourner. Kane ne lâche pas prise : il a promis une mer, il faut qu’il en trouve une. Complots, désertions, trahisons, tout ajoute à l’horreur de la situation. Au troisième hivernage, sans vivres, sans chauffage, il serait mort si d’autres Esquimaux ne l’eussent nourri de leur pêche : lui, il chassait pour eux. Pendant ce temps, quelques-uns de ses hommes, envoyés en expédition, ont la bonne fortune de voir la mer dont il a tant besoin. Ils rapportent du moins qu’ils ont aperçu une grande étendue d’eau libre et non gelée, et autour, des oiseaux, qui semblaient s’abriter dans ce climat moins rude.

C’est tout ce qu’il fallait pour revenir. Kane, sauvé par les Esquimaux, qui n’abusèrent pas de leur nombre, ni de son extrême misère, leur laisse son vaisseau dans les glaces.

Faible, épuisé, il réussit encore, par un voyage