Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/416

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Hors de là, les plus grands dangers ne comptent pas ; on trouve tout simple de les braver chaque jour, et sans jamais s’en vanter. Je n’ai jamais vu des hommes plus modestes (j’allais dire timides) que nos pilotes de Gironde, qui, de Royan, de Saint-Georges, vont intrépidement sans cesse au grand combat de Cordouan. Là, comme à Granville (et partout), les femmes seules parlaient, criaient, réglaient tout, faisaient les affaires. Ces braves gens, une fois à terre, ne soufflaient mot, aussi paisibles que leurs vaillantes épouses étaient bruyantes et superbes, exerçant sur les enfants toute l’autorité paternelle. Le mari suivait à la lettre le mot du poète romain : « Heureux de n’être rien chez moi ! »

Leurs dames, fort intéressées avec l’étranger et dans toute la vie commune, n’avaient pas moins, il faut le dire, dans les grandes circonstances, un cœur royal, magnifique et généreux. À Saint-Georges, elles donnaient tous leurs draps pour la charpie des blessés de Solférino. À Étretat, trois Anglais s’étant brisés presque à la côte, dans un endroit inaccessible, toute la population se précipita au secours, et, tant qu’ils furent en péril, se désespéra ; hommes et femmes donnèrent tous les signes d’une violente sensibilité. Sauvés, on les recueillit avec des cris, avec des larmes. Ils furent hébergés,