Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/67

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plet de sa science. Sur quelques points il déclare ne donner que des hypothèses. Parfois il est manifestement incertain, rêveur, inquiet. Son livre, honnête et loyal, laisse surprendre aisément le combat intérieur que s’y livrent deux esprits : le littéralisme biblique, qui fait de la mer une chose, créée de Dieu en une fois, une machine tournant sous sa main, — et le sentiment moderne, la sympathie de la nature, pour qui la mer est animée, est une force de vie et presque une personne, où l’âme aimante du monde continue de créer toujours.

Il est curieux de voir, dans ce livre, l’auteur approcher peu à peu du dernier point de vue par une invincible pente. Tout ce qu’il peut, il l’explique d’abord mécaniquement, physiquement (par la pesanteur, la chaleur, la densité, etc.). Mais cela ne suffit pas. Il ajoute, en certains cas, telle attraction moléculaire, telle action magnétique. Cela ne suffit pas encore. Alors franchement il a recours aux lois physiologiques qui régissent la vie. Il donne à la mer un pouls, des artères, un cœur même. Sont-ce de simples formes de style, des comparaisons ? Point du tout. Il a (et c’est son génie), il a en lui un sentiment impérieux, invincible, de la personnalité de la mer.

Voilà le secret de sa puissance, voilà ce qui a ravi. Avant lui, c’était une chose pour tant de ma-