Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La jeune république de Rome, qui devait en grande partie sa délivrance aux légions polonaises, leur offrit en reconnaissance le sabre de Sobieski, qu’elle gardait dans ses sanctuaires ; le général des légions, l’illustre Dombrowski, l’offrit en leur nom à Kosciusko.

Celle arme, appendue aux murs de l’humble maison du grand homme, devait y rester inactive. Kosciusko ne voulait servir ni Alexandre ni Napoléon. Il savait trop que les deux maîtres du monde ne feraient rien pour la Pologne.

Kosciusko, dans sa simplicité apparente, jugeait parfaitement Napoléon. Il disait aux officiers polonais, qui venaient le visiter, qu’ils devaient espérer dans la France, mais non dans l’Empereur. Quel pouvait être, en effet, le libérateur de la Pologne dans sa situation terrible ? impuissant émancipateur, un hardi révolutionnaire. L’indépendance nationale n’y sera fondée jamais que sur une révolution radicale et profonde. L’attendre de celui qui venait de détruire la révolution française, c’eût été chose insensée.

Lorsque Napoléon, vainqueur de la Prusse, se trouva devant la Pologne, aux portes de cet immense et redoutable monde du Nord, il lui aurait été utile de tirer Kosciusko de sa retraite. En réalité, il ne savait pas bien lui-même ce qu’il voulait. Kosciusko était le drapeau national de la Pologne ; on ne pouvait les séparer, car c’était la même chose. Napoléon voulait montrer