Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/110

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les pauvres et les enfants. Ceux-ci avaient sur lui une influence singulière, une petite fille surtout, celle de son hôte Zeltner, dont il faisait l’éducation.

Sa charité était infatigable. Presque tous les jours, il parlait à cheval pour porter des secours aux pauvres, du vin aux malades. Il causait volontiers avec eux de leurs affaires, y prenait intérêt, et leur montrait des égards dont ils étaient encore plus reconnaissants que de ses secours. Il ne parlait jamais au plus pauvre mendiant sans l’obliger d’abord de remettre son chapeau.

Son hôte, lui ayant un jour emprunté le petit cheval noir qu’il montait ordinairement, fut tout surpris de voir que ce compagnon des courses solitaires de Kosciusko s’arrêtait de lui-même toutes les fois qu’il voyait un homme pauvrement vêtu, trahissant ainsi le bon cœur, la charité de son maître.

Un but ordinaire de ses promenades était l’hermitage de Saint-Véréna, peu éloigné de Soleure. Il s’asseyait là, au pied d’un bloc de granit entouré d’arbres, qu’on y a mis en l’honneur d’un bon Suisse des temps passés, qui, pour arrêter une guerre fratricide entre les Suisses, se jeta devant un canon. Kosciusko aimait à reposer à l’ombre de ce monument de l’humanité. Il y restait parfois un demi-jour tout entier, jusqu’au coucher du soleil, absorbé dans la contemplation de cette vue immense qui embrasse le Jura et les Alpes, et pouvant à peine s’arracher à sa rêverie religieuse.

Il était bien près de sa fin,