Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/118

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de faire croire au paysan qu’elle voudrait l’émanciper, le protéger, le faire propriétaire.

En cela, comme en tout, il n’y a jamais eu un homme plus variable, plus faux que l’empereur Alexandre. Quand Napoléon l’effrayait et qu’il jugeait à propos de flatter la Pologne, il avait demandé à quelques philanthropes polonais des projets de Constitution : " surtout, leur disait-il, adoucissons le sort du pauvre paysan. " Ces plans donnés, il les jetait au feu. — Plus fort, en 1818, il fit voir le vrai Russe. La noblesse de Lithuanie, réunie à Wilna, ayant formulé le vœu d’émanciper les paysans, Alexandre, par. un ukase, défendit " de songer à cet affranchissement. " Ceux qui avaient parlé en ce sens furent persécutés. Peu après, un nouvel ukase défendit la création des écoles mutuelles que les propriétaires fondaient pour les paysans, et ferma même les écoles supérieures aux jeunes gens qui ne pouvaient faire preuve de noblesse.

Le premier acte des libérateurs de la Pologne, en 1831 (spécialement dans la Podolie), avant de prendre les armes, fut de les sanctifier par la déclaration que lès paysans étaient leurs égaux et leurs frères. Rien n’était plus aisé que de les faire propriétaires, dans un pays qui n’est nullement serré comme l’Angleterre ou la France, qui a une infinité de terres vagues, un pays où le domaine de la couronne fait, dans certains palatinats, la moitié de la terre. C’était le plan du ministre des finances, l’illustre Biernatskï. Les propriétaires délaissés d’une