Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/123

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C’est une tente dressée aujourd’hui au milieu du désert, qui peut se replier demain.

Est-ce la faute du peuple russe, s’il est resté stérile ? non, sans doute. Et quel autre aurait été fécond en souffrant ce qu’il à souffert ?

Nulle part il n’y a plus d’esprit que dans la haute société russe. Le peuple, c’est bien plus, il a une variété de facultés, une souplesse d’action, un esprit de ressources, un génie multiforme, qui étonne et charme parfois. Comment a-t-il gardé encore ces dons heureux, à travers les épouvantables épreuves qu’il a subies ? C’est ce qu’on ne peut s’expliquer.

C’était, nous l’avons dit, un peuple tout méridional de race et de génie, aimable plus que fort, peu moral, médiocrement solide, mais doux, docile, aimant facilement.

La réputation très peu méritée de force et de résistance qu’il a dans l’opinion européenne tient à ce qu’on juge le Russe uniquement par le soldat russe, oubliant que la Russie a toujours opposé de vieux soldats à nos jeunes troupes, et qu’on met vingt années à former ces soldats. On ne leur donne cette fixité automatique qu’en les tenant toute la vie sous le drapeau, disons mieux, sous le bâton. Voilà comme on fixe le Russe ; on fait le soldat, on tue l’homme. Par cette affreuse discipline, on a une machine, plus d’âme ; le russe a disparu.

Ce peuple, en deux cents ans, a subi trois opérations