Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/127

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ses douces mélodies, sa légère existence, libre comme l’oiseau des bois.

Ce chant mélancolique d’un homme qui parait vif et gai, c’était l’âme même du Slave. Lui fini, tout finit. Sombre empire du silence, à peine y entend-on, aux profondes forêts, quelques notes anciennes qu’on dit à demi-voix. La langue sèche, la parole tarit dans cet empire. Voyez la nation des Cosaques, nation poète jadis, elle est devenue muette du jour où elle tomba aux mains glacées de la Russie.

Ou put croire deux fois que ce peuple, réveillé, raffermi, prendrait l’essor, rentrerait dans la vie, se classerait parmi les nations. Suwarow, un vrai Russe, un fou rusé, bouffon, dévot, suscita l’âme russe, lui donna un moment d’élan. Napoléon et-.1812, le danger delà sainte Moscou, le czar appelant ses enfants, tirant les reliques du sanctuaire et les faisant porter devant l’armée, ce fut un puissant ébranlement populaire. L’impression fut forte aussi d’aller en France, de voir Paris, la Moscou de l’Ouest, d’apprendre que la Russie n’est pas toute la terre. Un rêve en est resté et une transmission de récits. Rien n’indique pour tant qu’il en soit sorti des légendes. L’âme russe est trop malade et souffre trop pour se jouer ainsi aux fleurs de poésie. Elle est plutôt tournée à la négation.

Une chose grave, qui les a frappés, c’est d’apprendre à la longue que leur czar a brûlé Moscou. Longtemps, dans leur respect} dans leur sentiment filial